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"La force du dessin"

 

Entretien de Jean-Philippe Roubaud

Par Rébecca François

Nice/Le Cannet – 3 décembre 2018

 

 

Cinq and après ta sortie de l’École nationale des beaux-arts (Villa Arson, Nice) en 1997, tu travailles en binôme et développes un travail essentiellement de peinture à quatre mains. Depuis 2015, tu mènes une carrière solo tournée exclusivement vers le dessin. Dans quelle mesure le dessin est-il pour toi une pratique éminemment personnelle ?

Cette décision a été à la fois pragmatique et amoureuse. Sans atelier, j’ai été amené à utiliser des moyens rudimentaires pour me remettre au travail -la feuille de papier et le crayon- puis les choses se sont faites naturellement. J’ai redécouvert le dessin, recommencé à le penser, à le développer. La pratique s’est fabriquée au fur et à mesure, un peu comme quand on griffonne lorsqu’on est au téléphone. 

Mon travail de professeur de dessin académique pendant dix ans à l’École municipale d’arts plastiques de Nice a forcément nourri ma pratique. De même, ma formation de sculpteur sur pierre, mon expérience pointue de la peinture ainsi que mes travaux plus alimentaires de peintre décoratif ou restaurateur ont enrichi ma manière de penser le dessin. 

C’est également un espace que je n’avais pas abordé avec mon binôme, un espace vierge sur lequel je pouvais réfléchir. 

 

Peux-tu revenir sur la technique que tu as mise au point ? 

J’ai commencé à dessiner de manière extrêmement simple et classique : crayon gris-feuille ; sans désir de couleur afin de m’éloigner le plus de la question de la peinture. Et puis, en cherchant des contrastes, j’ai commencé à utiliser le graphite, à le mouiller, à le travailler en lavis. Ce n’est pas parce que j’utilise le pinceau que je peins. La peinture s’attache aux contrastes simultanés. Elle est affaire de lumières, de peaux et de couches, alors que le dessin n’est affaire que de dépôts et d’ombres. 

 

Ce recentrement sur un medium unique est-il une manière pour toi de montrer la suprématie du dessin ? 

Le dessin est souvent considéré comme un point de départ d’une œuvre. Or, le dessin utilise les codes de la peinture, de la sculpture ou de l’architecture ; il peut donc réunir l’ensemble de ces pratiques. Plus que sa suprématie, je revendique l’équité du médium et prône l’autonomie de la discipline. 

Ma pratique est une sorte d’antithèse de la transversalité. Je trouve intéressant de revenir à quelque chose de simple et de basique en termes de technique –l’abécédaire du dessin en quelque sorte : feuille de papier, crayon et poudre de graphite- pour ensuite aller plus loin en termes de références et de questionnements. 

Les pièces en volume, par exemple, sont une manière de structurer le regard et d’induire un rapport corporel au dessin. Elles abordent la question de l’installation dans le dessin. Une action simple (rouler une feuille de papier et la disposer dans l’espace de manière auto-stable) donne naissance à un volume, qui, répétée, multipliée, devient palissade, mur, bâtiment, architecture. Dans l’architecture, le dessin est considéré comme le point de départ ; ici le dessin est à la fois l’esquisse, le plan et le volume. 

 

Ta pratique du dessin vise à englober toutes les disciplines, à l’image d’une conquête ? Peut-on parler d’une vision programmatique ?

Oui, c’est un projet global, sur le long terme, qui implique une multitude de séries qui ne sont pas encore réalisées. J’utilise la grammaire du dessin pour mieux la définir. Qu’est-ce qu’un dessin ? Quelle relation entretient-t-il avec l’image ou avec le politique ? Quel lien a-t-il avec la peinture, la sculpture l’architecture mais aussi l’installation, l’art urbain, etc. À quel moment, l’aquarelle doit-elle être considérée comme du dessin ? Il y a des questions que je n’ai pas encore abordées. Par exemple, comment parler du trait ? Qu’est-ce qu’un croquis ? À quel moment acquiert-t-il une importance ? Ce sont des problématiques fondamentales dont le dessin ne peut s’extraire. La  question de l’usure du papier et sa conservation, aussi.

En terme de développement, la manière dont Gerhard Richter lie ses différentes séries de peinture jusqu’à redéfinir notre manière de voir les éléments qu’il peint m’intéresse fortement. Le fait qu’on retrouve certains détails abstraits dans les tableaux hyperréalistes est magistral. Tout se recoupe et s’intègre dans une vision globale. 

 

Est-ce aussi une réponse à l’essor du dessin contemporain ? 

Il y a une sorte de proximité dans le dessin qui fait qu’il parait moins intimidant que la peinture ou la sculpture par exemple. Mais ce n’est pas une sorte de fourre-tout, quelque chose qu’on gratouille quelques jours par an pour exposer dans une foire. Ce n’est pas une prime à la modestie. Pour ma part, je cherche à  montrer la puissance du dessin. Attention, je ne suis pas le seul à faire cela ! Certains artistes le font magistralement comme Jean-Luc Verna, Jérôme Zonder, Abdelkader Benchamma... Robert Longo et Vija Clemens affirment aussi le médium dessin par rapport à la photographie de manière très puissante. Actuellement, on est cependant face à un paradoxe : l’éclosion du dessin dans l’art contemporain et en même temps l’absence de questionnement. On le considère souvent comme quelque chose de charmant. Or, il n’y a rien de léger dans le dessin et il n’y a rien de plus coupant qu’une simple feuille de papier. 

 

De quelle manière questionnes-tu les codes de la peinture à travers le dessin ?

La peinture reste le moyen privilégié d’accéder à la lecture et à la compréhension des images. Même quand je traite de la photographie ou même de la sculpture, j’ai toujours dans un coin de ma tête les images produites par la peinture. On en revient au travail de l’historien d’art Aby Waburg sur la survivance des images à travers les siècles. Il y a des sujets qui ont tellement été puissamment utilisés par la peinture, comme l’imitation, que celle-ci sous-tend notre appréhension des images. L’intérêt est pour moi de montrer à quel point le dessin n’est pas de la peinture tout en utilisant ses codes. L’œuvre LaFenêtreest constituée de feuilles de papier roulées et disposées verticalement jusqu’à former une architecture. Des cartes postales sont placardées sur des effets de faux-bois, tous deux en trompe l’œil. Chacune fait référence à un moment de la peinture de paysage : marines à la Eugène Boudin, sous-bois à la Gustave Courbet, etc. Dans cette pièce, j’utilise l’architecture, la reproduction photographique, mais je parle clairement de l’illusionnisme de la peinture et de son rapport à la veduta. Appeler une œuvre La Fenêtre, c’est déjà faire une référence à la peinture, sauf qu’ici celle-ci s’ouvre sur un mur blanc.

 

Peut-on dire que tu dessines la peinture ?  

Dans Limitation du paysage, j’aborde la question de la fresque et la manière de dessiner la peinture. Une représentation, faisant référence aux fresques néogothiques comme celles d’Andrea Mantegna ou Benezzo Gozzoli, fait face à  des « fenêtres architecturales » traitées en monochromes. Ces « zones noires » renvoient également à la peinture abstraite d’un Ad Reinhardt ou d’un Pierre Soulages, mais aussi à un espace forclos ou cramé ; c’est une projection fondamentalement ambiguë. Le dessin permet un écart, un pas de côté. Il ne s’agit pas de pastiche ou de citation mais plutôt d’emprunt à la peinture. Par contre la technique, l’emploi du noir et blanc et l’utilisation de la feuille de papier permettent de faire exister la question du dessin.

 

Tes dessins ne cessent de montrer ce qu’ils sont c’est-à-dire des dépôts de graphite sur du papier. Quelle place accordes-tu à leur accrochage ?

Le système d’accrochage de mes dessins insiste sur cette notion. Je travaille sur des feuilles de papier que je roule et pose au sol, ou que je fixe au mur par un système d’œillets et de rivets. Ce mode d’accrochage permet de laisser la feuille libre et flottante de manière à montrer la matérialité même du support. Le dessin bouge, reste suspendu dans l’espace.  Il n’est pas aplati, tendu ou figé par un cadre. Il n’est pas cloué ou aimanté sans aucune justification. Ces solutions restent dans une économie du travail. Tout est montré. Il y a une morsure du papier qui sépare l’espace du dessin de celui de l’accroche. J’aime cette proximité du dessin qui effraie les professionnels des musées. L’usure, la dégradation, les traces de doigt font partie de la vie du dessin. La plupart du temps, mes dessins sont montrés une première fois non encadrés et lorsqu’ils sont encadrés pour des raisons de conservation, ils restent flottants dans le cadre et montrent leur système d’accrochage. D’une contrainte nait un sens fort. De même, j’utilise le procédé de gaufrage quand je représente un objet grandeur nature. Cette sorte de morsure de réel inversée rend plus présente encore l’objet que je cite et le spécifie.

 

Ton travail met en abyme la question de la représentation. Pourquoi ce focus sur l’illusion ?

La question de l’illusionnisme est le point de départ de ma pratique. La première raison est affective. L’illusionnisme, l’hyperréalisme, c’est le truc qui épate. Au départ, j’ai commencé par recopier des tableaux florentins et en les recopiant j’ai appris à les aimer. Cependant, la technique, c’est comme les bagages, ce n’est pas tout d’en avoir, il faut savoir où les poser. Aujourd’hui, tout le monde produit des images. Pourquoi dessiner aussi précisément une image, y passer autant de temps, si ce n’est pour montrer plus spécifiquement cette image. Par exemple, comment expliquer que Van Eyck passait autant de temps à faire tous ces détails sinon par acte de foi, pour la peinture elle-même ? Et s’il y a bien un truc en lequel je crois c’est la puissance artistique, l’investissement par rapport à cette puissance intrinsèque qui arrête le temps.

 

Comme dans la série « Souvenirs de Tarkovsky » ?

Oui, les polaroïds d’Andreï Tarkosky, que je découvre par hasard, viennent taper à ma mémoire et à mon cœur alors même que je cherchais un sujet pour parler de la photographie et travailler le dessin comme la possibilité de reproduire un fac-similé. Ils ont cette évanescence propre au polaroïd qui rappelle les effets de flou que j’aime tant dans les peintures de Richter. Par ailleurs, j’aime le fait que Tarkosky ne les considérait pas comme des œuvres d’art à part entière. Ainsi, réaliser un fac-similé d’un objet unique m’intéressait encore davantage -le polaroïd, c’est l’inverse de ce qu’est la photographie, puisque c’est une photographie unique-. Les fonds noirs traités à la brosse rappellent presque les traces des rouleaux des photocopieurs. Si in fineon regarde un dessin qui fait penser à la photocopie d’une photographie, on se retrouve face à un dessin difficile à déterminer. J’aime avoir ce trouble-là, ce temps de flottement pour le spectateur. Le polaroïd a ce côté futile mais il est intéressant de se cogner aux objets, de les travailler le plus sérieusement possible. Le dessin et l’hyperréalisme sont de bons outils de fixation.

 

Tu mets en scène le  pouvoir illusionniste du dessin mais aussi celui des idéologies. Ton travail est-il une mise en abyme de la fin des illusions modernes ?

« Les Barricades » représentent des fac-similés de slogans de grèves passées placardés sur un effet « faux bois », de mai 68 aux revendications féministes aux réclamations des mineurs dans les années 1980 en Angleterre.Cette série permet d’expérimenter autant le trompe-l’œil, que le graffiti, que le pochoir ; elle révèle les rapports entre le dessin et l’art urbain, aborde la question de l’art politique qui me tient à cœur depuis les beaux-arts. « Les Barricades » sont constituées d’un dessin de 9 mètres de long qui peut être en partie accroché au mur via des rivets ou être totalement autoportant. Le fait que le dessin s’enroule sur lui-même empêche de le voir en totalité. Malgré la souplesse et la fragilité de la feuille de papier, l’installation crée un volume qui influe, par convention, sur le mouvement des visiteurs. Les barricades deviennent dès lors mentales. 

« Alamo » fait référence au fort des Texans, symbole de la résistance désespérée. Cette œuvre me fait penser à un fort de rondins Playmobil®. Le système est tellement simple. Ce sont des  petits rouleaux de papier simplement posés au sol à la verticale ; tout est faux, tout est léger, un peu comme chez Méliès. Les faux rondins sont placardés de fac-similés de manifestes artistiques (de Dada, du Bauhaus, etc). Il s’agit ici aussi de révoltes et de questions politiques. Les fac-similés sont représentés abîmés voire brûlés. Il y a quelque chose d’assez triste et mélancolique car finalement ce qui est montré n’est qu’une révolution de papier. Ces séries possèdent effectivement un caractère « fin des avant-gardes », « fin des illusions ». Mon travail questionne d’ailleurs le souvenir : la carte postale, le polaroïd, l’assiette en porcelaine...

 

Même les sujets d’actualité sont traités dans un rapport au souvenir. Ton travail entretient-il un rapport à la mélancolie ?

Il est difficile de se positionner dans le monde dans lequel on vit sans devenir ni donneur de leçon, ni un fabricant de slogan. Les « Souvenir de… » sont une réponse à l’actualité migratoire. Ces assiettes montrent qu’une frontière n’est qu’un lieu de passage qui n’a aucune existence réelle, aucun autre caractéristiques qu’une image suburbaine. Le passage d’une frontière est un point de cristallisation de la mémoire. 

Si mélancolie il y a, c’est face à l’ampleur de la tâche. Dans un même temps, j’ai l’impression que ce que je fais n’est que du papier et je me réveille chaque matin dans une urgence en me disant qu’il faut que je donne le meilleur de moi. Dans ces moments, je veux être le dessin. Je veux multiplier les questionnements : la fresque, le croquis, l’architecture, l’abstraction, la photographie. C’est une sorte de désespérance et d’égo surdimensionné qui produit une forme de mélancolie vitale qui me fait avancer et qui contient dans son affirmation toute la vacuité de la vie. Comment travailler une série qui regroupe une multitude de références qui s’autoalimente. Comment créer quelque chose de puissant, de circulaire si la question de chef d’œuvre n’existe pas. 

 

 

Rébecca François est commissaire d’exposition et critique d’art. Attachée de conservation du patrimoine au MAMAC de Nice, elle est la commissaire des expositions « La Quatrième Dimension » (2013), « Le précieux pouvoir des pierres » (2016), « Vivien Roubaud » (2017) et « Michel Blazy : Time Line » (2018). Elle contribue également à des monographies (Emmanuel Régent, Somogy, Paris, 2014) ainsi qu’à des revues (Roven n°11, 2015) et à des colloques (Rencontres de l’image, Épinal, 2015 / Art, architecture et lumière, Couvent de La Tourette, Éveux, 2013 / Art Actuel et Per­formance, Université de Namur, 2012). Parallèlement, elle tisse des liens prégnants avec des artistes comme Jean-Philippe Roubaud. Avec Ève Pietruschi, elle milite pour le ralentissement via le projet des Autostoppeuses et mène depuis 2017 avec Lélia Decourt le projet curatorial ENTRE I DEUX attaché aux espaces non dévolus à l'art.

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Interview with Jean-Philippe Roubaud

By Rébecca François

Nice/Le Cannet - [MJ1] 3rdDecembre 2018

 

 

 

Five years after you had graduated from the École Nationale des Beaux-Arts (Villa Arson, Nice) in 1997, you were working with a partner, developing together a method that was essentially painting with four hands. Since 2015, you’ve had a solo career focused entirely on drawing. To what extent is drawing for you a deeply personal practice?

This was both a pragmatic decision and one of love. Not having a studio, to start working again I had to resort to rudimentary tools – sheets of paper and a pencil - then things just happened naturally. I rediscovered drawing, I started thinking about it again and developing it. My practice took shape as I went along, a bit like when you doodle while on the phone. 

I’ve been teaching academic drawing for ten years at the École Municipale d’Arts Plastiquesin Nice and obviously I’ve drawn upon this for my own art. Likewise, the way I think about drawing has been enriched by my training as a stone carver, by having specialist experience of painting, and also painting and restoring historic buildings when I’ve had to earn a living. Drawing was also an area I didn’t get into with my partner; it was virgin territory that I could reflect upon. 

 

Can you talk about the technique you have developed? 

I started drawing in an extremely simple, traditional way:  a lead pencil – a sheet of paper; I didn’t want any colour so that I could distance myself as far as possible from any idea of painting. And then, trying to create contrasts, I started using graphite, dampening it and working with graphite wash. Just because I use a brush doesn’t mean that I’m painting. Painting is bound up with simultaneous contrasts. Painting is all about light, skin tones and layers, whereas drawing is only about applying graphite and shading. 

 

Is focusing on a single medium for you a way of showing the supremacy of drawing? 

Drawing is often seen as being the starting point for a work of art. However, drawing uses the codes of painting, sculpture and architecture so it’s able to bring together all these practices. Rather than asserting the supremacy of drawing, I’m asserting the medium’s parity and advocating the discipline’s autonomy. 

My drawing practice is a sort of antithesis of a cross-disciplinary approach. As far as technique is concerned, I find it interesting to go back to something simple and basic – spelling out the ABCs of drawing so to speak: a sheet of paper, a pencil and graphite powder – to then move on and probe much further with regard to references and questions. 

For example, the pieces that have volume are a way of structuring what we see and getting our bodies to create a relationship with the drawing. They address the notion of installations in drawing. A simple action (rolling up a sheet of paper and placing it in a space so it stands unsupported) creates a volume, which, when repeated and multiplied, turns into a fence, a wall, a building and architecture. In architecture, the drawing is considered to be the starting point; here the drawing is at the same time sketch, blueprint and volume. 

 

Does your drawing practice aim to encompass all disciplines, like a conquest? Can we talk about a programmatic vision?

Yes, in the long term this is to be an all-encompassing project that will involve a multitude of series which are yet to be created. To better define this, I use the grammar of drawing. What is a drawing? What relationship does it have with the image or with politics? What connection does it have with painting, sculpture, architecture but also with installations and urban art, etc? At what point, should watercolour be considered a drawing? And there are questions I still haven’t tackled. For example, how do we talk about lines? What is a sketch? At what point does a sketch take on importance? These are fundamental issues from which drawing cannot escape. There’s also the question of the paper’s wear and tear and how to preserve it.

As far as development is concerned, of great interest to me is the way Gerhard Richter connects his various series of paintings until he redefines the way in which we see the elements he paints. It’s masterful how certain abstract details can be found in hyperrealist paintings. Everything is intertwined and embedded in an overall vision. 

 

Is this also a response to the greatly increased interest in contemporary drawing? 

With drawing there’s a sort of proximity which makes it appear less intimidating than painting or sculpture, for example. However, it’s not some sort of hotchpotch, something that gets casually sketched over a few days a year to be exhibited at an art fair. There’s no particular advantage to be gained from being modest.  As far as I’m concerned, I’m trying to show the power of drawing. And remember, I’m not the only one doing this! Certain artists, such as Jean-Luc Verna, Jérôme Zonder, Abdelkader Benchamma and so on, do it brilliantly. Robert Longo and Vija Clemens also assert very powerfully the medium of drawing in relation to photography. However, we are currently confronted with a paradox: the burgeoning of drawing in contemporary art but at the same time the absence of any questioning.  Drawing is often seen as being charming. Yet, there’s nothing lightweight about drawing and there’s nothing sharper than a simple sheet of paper. 

 

How do you go about questioning painting’s codes through drawing?

Painting remains the preferred way of gaining access to images in order to read and understand them. Even when I’m dealing with photography and sculpture too, somewhere in the back of my mind I always have images produced by painting. This takes us back to the art historian Aby Waburg’s work on how images survive across the centuries. There are some subjects which have been used so powerfully by painting, such as imitation, that painting underpins how we engage with the images. What’s of interest to me is to show the extent to which drawing is not painting, while at the same time using its codes. LaFenêtre[3]is a work made from sheets of papers rolled up and placed upright until they form an architectural shape. Postcards are pinned onto a false wood effect[MJ8] , both in trompe l’œil. Each one is a reference to a moment in landscape painting: seascapes in the style of Eugène Boudin, woodlands in the style of Gustave Courbet, etc.  In this work, I’m using architecture and photographic reproduction, but I’m obviously talking about the creating of illusion in painting and its relationship to veduta. By naming the work La Fenêtre, reference is already being made to painting, except that here the window opens out onto a white wall.

 

Can it be said that you draw paintings?  

In Limitation du Paysage[4], I address the question of frescoes and how to draw paintings. A representation that refers to neo-Gothic frescoes, such as those of Andrea Mantegna or Benezzo Gozzoli, stands opposite “architectural windows” drawn in monochrome. These “black areas” refer to an Ad Reinhardt or a Pierre Soulages abstract painting, but also to an out-of-bounds or burnt space, this being a fundamentally ambiguous projection. With drawing it’s possible to deviate, to step sideways. It’s not about pastiche or quoting but rather about borrowing from painting. On the other hand, by using technique, black and white and a sheet of paper it’s possible to make the idea of drawing exist.

 

Your drawings constantly show what they are i.e. graphite applied to paper. How important to you is the way your drawings are hung?

The system for hanging my drawings reinforces this idea. I work on sheets of paper that I roll up and place on the ground, or fix to the wall with a system of eyelets and rivets. This way of hanging my work allows the paper to float freely so that it shows the very materiality of the medium. The drawings move and remain suspended in space.  They are not flattened, stretched or held in place by a frame. They are not pinned up or held with magnets without any rationale. These solutions anchor the work in a logic. Everything is shown. There’s a raised edge[M9]along the paper that separates the space for the drawing space from the space where it is hung. I like this proximity with the drawing that those who work in galleries find alarming. Wear and tear, damage and finger marks are all part of the drawing’s life. Most of the time, my drawings are shown for the first time without a frame and when they are framed it’s so that they can be preserved: they still float within the frame and show the system used to hang them. From  constraint is born direction. Likewise, when I depict a life-sized object, I use an embossing process. This sort of overexposureof inversed reality makes the object I’m quoting even more present and specific.

 

Your work uses mise en abyme to question what  representation is. Why this focus on illusion?

The question of creating illusions is the starting point for my practice. The initial reason was emotional. Creating illusions, hyperrealism, is the thing that dazzles us. At the outset, I started copying Florentine paintings and by doing this I learnt to love them. However, technique is like luggage: it’s not enough to have it - you have to know where to put it down. Nowadays, everyone produces images. Why draw an image so accurately and spend so much time on it if not to show this image more individually. For example, how can we explain why Van Eyck spent so much time creating all these details except as an act of faith, in painting itself? And if there’s one thing I do believe in it’s the power of art and the amount of time and energy involved in this inherent power which halts time.

 

Like in the “Souvenirs de Tarkovsky”series?

Yes, Andreï Tarkosky’s Polaroid prints that I came across by chance popped up in my memory and my heart, just when I was searching for a subject to talk about photography and developing drawing as a possible way of reproducing a facsimile. They have this evanescence so distinctive of Polaroid photography which evokes the blur effect I like so much in Richter’s paintings. What’s more, I like the fact that Tarkosky didn’t consider these photos as fully-fledged works of art. This meant that for me, creating a facsimile of a unique object was even more interesting – a Polaroid print is the opposite of what is photography  because it’s a unique photograph. The black backgrounds drawn with a brush almost remind you of traces left by photocopy machine rollers. If ultimately we look at a drawing that makes us think of the photocopy of a photograph, we find ourselves confronted with a drawing that’s difficult to pin down. I like having this confusion, this time when the spectator can hover and waver. There’s something rather pointless about Polaroid prints, however, it’s interesting to come up against objects and work with them as seriously as you can. Drawing and hyperrealism are great tools for freezing  images.

 

You depict the power that drawing has to create illusion as well as the power of ideologies to do this. Is your work a ‘mise en abyme’ of the end of modern illusions?

“Les Barricades” shows facsimiles of slogans from protests in the past - from May 68 to feminist demands and the English miners’ grievances in the 1980s - stuck onto a “false wood”  background.  This series allowed me to experiment with trompe-l’œil, as well as with graffiti and stencilling. It reveals the connections between drawing and urban art and tackles the question of political art which has been very close to my heart since my time at art school. “Les Barricades” is comprised of a 9 metre long drawing which can be partly hung on the wall using rivets or it can stand completely unsupported. The fact that the drawing is rolled up, prevents us from seeing the whole work. Despite the sheet of paper being flexible and fragile, the installation creates a volume which, by convention, influences how the visitors move around. The barricades then become mental barricades. 

“Alamo” is a reference to the Texan fort, a symbol of hopeless resistance. This work makes me think of a Playmobil® log fort. The system is terribly simple: small rolls of paper are simply placed upright on the ground; everything is false, everything is light, a bit like what Méliès did. Pinned onto these pretend logs are facsimiles of art manifestos (Dada, Bauhaus, etc). Here again we have revolt and political issues. The facsimiles are seen to be damaged and even burnt. There’s something quite sad and melancholy because when all is said and done what’s being shown here is only a paper revolution. Indeed these series do have an “end of avant-garde movements”, “end of illusions” character. Moreover, my work asks question about memory: postcards, Polaroid prints, porcelain plates and so on.

 

Even topical issues are dealt with in relation to memory. Does your work have a link with melancholy?

It’s difficult to find your place in this in the style of world where we live without becoming either preachy or producing slogans. The “Souvenir de…”drawings are a response to recent events concerning migration. These plates show that a border is only a passing place that has no real existence, no characteristics other than a suburban image. Passing through a border is a point when the memory is crystallised. 

If there is any melancholy, it’s to do with the scale of the task we face. At the same time, I have the impression that what I’m doing is only paper and each morning I wake up feeling a sense of urgency and telling myself that I’ve got to give my very best. In such moments, I want to be the drawing. I want to keep asking ever more questions: frescoes, sketches, architecture, abstraction and photography. There’s a kind of desperation and an inflated ego that produces a form of life-giving melancholy which thrusts me forwards and which contains in its affirmation the whole emptiness of life. How do you work a series that brings together a multitude of references that is self-sustaining? How do you create something powerful, something circular if the possibility of a masterpiece doesn’t exist?” 

 

 

Rébecca François is acurator and art critic.Heritage Conservation Officer at the MAMAC in Nice, she has curated exhibitions such as: “La Quatrième Dimension” (2013), “Le précieux pouvoir des pierres” (2016), “Vivien Roubaud” (2017) and “Michel Blazy: Time Line” (2018). Françoisalso contributes to monographs (Emmanuel Régent, Somogy, Paris, 2014), as well as to periodicals (Roven no 11, 2015) and conferences (Rencontres de l’image, Épinal, 2015 / Art, architecture et lumière, Couvent de La Tourette, Éveux, 2013 / Art Actuel et Per­formance, University of Namur, 2012). At the same time, she has been establishing strong links with artists such as Jean-Philippe Roubaud. Working with Ève Pietruschi, she campaigns for slowing life down via the Autostoppeuses(Female Hitchhikers) project and since 2017 she has been running the ENTRE I DEUX curatorial project with Lélia Decourt, which is focussed on spaces not reserved for art.

 

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