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Portrait chinois

interview par Marlène Pegliasco

pour SMARTY Magazine

-Présentez-nous votre parcours. 

 

Mon parcours me parait à posteriori toujours un peu bizarre, il est à la fois  linéaire et sinueux. 

Avant d’envisager cela comme projet de vie, mes premiers amours artistiques, encouragés par mes parents étaient le quattrocento et la bande dessinée. Tout petit, ils me laissaient dessiner dans les musées de Florence et j’ai eu ma première heure de colle à cause du livre « ils sont moches » de Reiser que j’avais amené au C.P.

Ça marque un homme.

Ensuite un bac artistique puis les Beaux-Arts à Valence et la Villa Arson à Nice. Tout cela peut paraître assez droit et basique mais en fait ma formation a toujours été un peu chaotique. 

J’étais curieux de tout. 

J’ai commencé par me former à la sculpture sur Pierre puis ensuite à la peinture et j'ai aussi gagné ma vie en faisant un travail de restauration de tableaux et de plafond ancien. Le tout en menant une carrière artistique en binôme autour de la question de la peinture.

Il y a cinq ans cette collaboration (de 15 ans) a pris fin, et là s’est opéré une révolution Copernicienne. J’ai refondé ma pratique en reprenant tout à zéro. On peut dire qu’après toutes ces  circonvolutions je suis revenu à mes premiers amours, bref à l’os de ce qui m’anime depuis mon enfance, le dessin. 


 

 

-Quelle place tient le dessin dans votre création. 

 

À vrai dire depuis cinq ans il n’y a que lui. 

Le dessin lui-même est devenu le projet à part entière. 

Pour qu’il n’y ai aucune ambiguïté, j’ai réduit ma technique au graphite (poudre ou crayon) travaillé à sec ou  en phase  aqueuse systématiquement sur du papier.

Bref... pas de couleur, juste des valeurs. 

Pour moi le dessin contient toutes les possibilités du corps et de tous les autres arts, architecture, sculpture, peinture, écriture, mathématique…. Il est le projet, le dessein mais n’est pas que le point alpha de toute pratique. Il est le geste primordial celui qui innerve tous les arts mais doit tendre à en être un geste terminal aussi. 

 

Par exemple. 

Le dessin ne fait exister la lumière que par contraste, il ne fabrique que le sombre et du coup il s’est tapi pendant des siècles à l’ombre de la peinture. De mêmes par sa fragilité, il ne peut prétendre goûter à l’éternité de la sculpture, mais le monde a changé, les regards et les systèmes de conservation se sont modifiés. Il ne construit rien, il n’est qu’un plan, mais à l’époque ou une imprimante laser construit une maison la question de construction, de volume et de matérialité est bien plus ouverte.

Je pourrais continuer encore longtemps… mais au final il est toujours là.

Le dessin par sa simplicité est un terrain de jeu infini. Sa simplicité apparente, c’est sa force et quoi que l’on dise il est présent partout. 

J’ai la chance de vivre dans une époque qui comprend et encourage ce mouvement et cette prise d’autonomie de ce médium.   

 

-Quelles sont vos inspirations.

 

Assumer totalement le dessin en tant que pratique unique ça ne veut pas dire que je suis recroquevillée sur ma mine de crayon. Non au contraire je regarde avec une nouvelle acuité tout ce qui constitue les arts en général.

On peut même dire que c’est eux qui me nourrissent.

Néanmoins pour faire simple on peut dire que mes deux tableaux préférés sont « les époux Arnolfini » de Jean Van Eck et « le retable d’Issenheim »  de Mathis Grünewald. 

Que ma première émotion artistique a été « le Persée » de Benvenuto Cellini à Florence. 

Que  le travail de Gerhardt Richter est pour moi un modèle d’intelligence et de beauté. 

Que « moi ce que j’aime c’est les monstres » de Emil Ferris est une Bande dessinée merveilleuse et que j’ai appris à dessiner en copiant l’œuvre de Jean Giraud (alias Moebius)

Que j’aime passionnément le travail de dessinateur contemporain, tels que Robert Longo, Vija Celmens, Jean Luc Verna, Jérôme Zonder ou Abdelkader Benchama...

Mais de toute manière la liste est beaucoup trop courte...

 

-Si vous étiez en dessin. 

 

Je triche un peu mais je choisirai  une aquarelle, « la grosse touffe d’herbe » de Albrecht Dürer. Une déclaration d’amour éclatante à la puissance de l’art, La transfiguration du banal à l’état brut, l’univers sur une feuille de papier mais de manière modeste, loin de tout tapage. Pouvoir regarder cette œuvre me touche toujours autant, c'est « L’infini à la portée d’un caniche » comme disait l’autre. 

 

-Votre technique préférée ?

 

Je crois que c’est assez clair graphite sur papier. 

 

-Quel est votre support le plus insolite pour créer ?

 

Désolé je suis un garçon assez monomaniaque du papier. En fait ce qui est peut-être insolite vraiment, c’est de l’utiliser comme je le fait parfois tel des volumes ou des architectures et de structurer l’espace avec ce support.

 

-Dessiner c’est comme. 

 

Être Sisyphe, travailler tous le jour et recommencer au matin. 

Mener une guerre que l’on ne  gagnera jamais, mais malgré tout… livrer bataille la fleur au fusil. 

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